Hypothèse

 

 

La tapisserie 2 de La Chasse à la licorne présente quelques aspects de la Kabbale. Cette évocation est possible car les Conclusiones philosophicae, cabalasticae et theologicae de Jean Pic de la Mirandole (900 conclusions philosophiques, cabalistiques et théologiques auxquelles il annexe le Discours sur la dignité de l'homme) qui la fait connaître au monde chrétien, commencées à Paris en 1485, sont publiées à Rome en décembre 1486.

La tenture que Howard Comeau et moi-même pensons avoir été destinée à commémorer le millénaire du baptême de Clovis entre 1496 et 1499, en tenant compte des années de création et de tissage, peut avoir profité du travail de Pic grâce au génie de son créateur, Jean Perréal très certainement.

L’Arbre des Sephiroth doit très probablement être convoqué dans cette tapisserie 2, La Fontaine, car elle présente très précisément la Création du Monde telle que la décrivent les premières phrases de la Bible, dans la Genèse :

« Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre. La terre était informe et vide : il y avait des ténèbres à la surface de l'abîme, et l'esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux. Dieu dit : Que la lumière soit ! Et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne ; et Dieu sépara la lumière d'avec les ténèbres… »

 

 

du Chaos (la rivière) au Cosmos (le bassin de la fontaine)

 

 

 

Jean Pic de la Mirandole (Giovanni Pico della Mirandola), est né à Mirandola en février 1463 et mort à Florence en novembre 1494.

 

Cosimo Rosselli, détail de La Procession de l'évêque en face de l'église de S. Ambrogio

Marsilio Ficino à droite, Giovanni Pico della Mirandola au centre

et Agnolo Poliziano à droite

Chiesa di S.Ambrogio (Eglise de Saint-Ambroise), Florence, v. 1486

 

 

Il entre à l’Université de Padoue en 1480 à l’âge de 14 ans et y poursuit ses études jusqu’en 1482. Après le latin et le grec, il étudie l’hébreu et l’arabe auprès d’Elie del Medigo, un averroïste juif qui lui traduit des manuscrits juifs de l'hébreu au latin, comme il va continuer de le faire pendant plusieurs années. Il entre en relation avec Yohanan Alemanno, un kabbaliste italien qui l'initie aux méthodes d’exégèse kabbalistiques.

Princeps concordiae, c'est-à-dire « prince de la concorde », Pic veut réconcilier les partisans de Platon et ceux d'Aristote, car il est assuré que tous deux expriment les mêmes concepts mais différemment. De même, il pense qu'un véritable Humaniste doit étudier les sources hébraïques et talmudiques, ainsi que l'Hermétisme : pour lui, elles présentent la même image de Dieu que l'Ancien Testament, avec d'autres mots.

En février 1488, Pic doit s'enfuir en France car le pape Innocent VIII charge une commission de vérifier l’orthodoxie de ses 900 thèses et interdit le débat public qu’il a proposé pour les défendre à Rome même. Il est arrêté et emprisonné à Vincennes. Laurent de Médicis, son protecteur, et ses amis le font relâcher et le pape l'autorise à revenir à Florence.

 

Pour Pic, la Kabbale confirme la doctrine chrétienne : « Aucune science, ne peut mieux nous convaincre de la divinité de Jésus-Christ que la magie et la Kabbale ».

Son ouvrage sonne comme un coup de tonnerre en Italie et la découverte de la Kabbale crée un débat important et stimulant dans le monde intellectuel chrétien de la fin du XV^e siècle.

Pic de la Mirandole a consulté entre autres ouvrages le Zohar (Sepher ha-Zohar : Le Livre de la Splendeur), le Bahir (ou Sefer ha-Bahir : Le Livre de la Clarté), les Quæstiones (Questions sur les dix numérations) d’Azriel de Gérone, l’Expositio super litteras parua Sophyoreth hebreus (Exposition sur les petites lettres hébraïques des Sophiroth), le Liber de radicibus seu terminis cabalæ (Sefer ha-sorasim : Le Livre des racines ou des termes de la cabale) et le De proportione divinitatis (Sur la proportion de la Divinité).

Chaïm Wirszubski, Pic de la Mirandole et la cabale, suivi de Gershom Scholem : Considérations sur l’histoire des débuts de la cabale chrétienne, traduit de l’anglais et du latin par Jean-Marc Mandosio, Éditions de l’éclat, 2007.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Pic_de_la_Mirandole

https://fr.wikipedia.org/wiki/Kabbale

https://fr.wikipedia.org/wiki/Kabbale_chr%C3%A9tienne

 

Les dix Sephiroth

Les dix Sephiroth ou « Nombres » (pluriel du nom féminin Sephira) sont traditionnellement représentées sous l’aspect d’un arbre. Elles correspondent aux attributs de Dieu ou degrés de la création divine.

 

Bois gravé de la page de titre de la traduction latine

de Paulus Ricius, Portae Lucis (Portes de Lumière),

du texte hébreu kabbalistique Chaare Orah

d’Abraham Joseph Gikatilla (1248 -1325),

publié à l'origine en 1516, à Augsburg, en Allemagne.

 

 

Les trois premières (1- Kether : la Couronne ; 2- Bina  ou Binah : l’Intelligence ; 3- Chokmah ou Kokhma : la Sagesse) appartiennent au monde d’Atziluth, de l’archétype ou l’émanation, sublime et inconcevable.

Les sept autres sont : 4- Geburah : la Force ; 5- Chased ou Chesed : la Miséricorde ; 6- Tipheret : la Beauté, constituant le monde de Briah, de la création.

7- Hod : la Gloire ; 8- Nisach ou Netzach : la Victoire ou le Triomphe ; 9- Yesod ou  Iesod : le Fondement ou la Fondation, formant le monde de Yezirah, de la formation.

10- Malkuth : le Royaume ou le Règne, le monde d’Assiah, de l’action.

Aux dix Sephiroth correspondent dix maux ou dix mauvais arrangements de la coordination séphirotique (les dix archidémons), auxquels Pic fait correspondre les dix punitions hermétiques.

 

La tapisserie 2 et la Kabbale

 

Lettres

 

 

Il y a 10 yeux "humains" visibles parmi les 12 personnages. Ils correspondent aux 10 Sephiroth de la Kabbale, qui sont les dix manifestations de Dieu ou les 10 noms de Dieu les plus communs et qui composent dans leur intégralité, Son Grand Nom Unique.

 

Nombres

 

Cette tapisserie énumère les premiers nombres jusqu'à 22. Ainsi on peut compter (certaines propositions peuvent être erronées):

 

1 Dieu : une licorne = le Logos

2 lapins ; cors de chasse

3 personnes non coiffées

4 têtes de lion sculptées sur la fontaine

5 mammifères sauvages (en bas) ; 5 fois les lettres "A-3"

6 jets d'eau ; jambes ; instruments à cordes

7 lances ; colliers de chien

8 oiseaux ; feuilles d'acanthe sculptées

9 personnages coiffés ; quadrupèdes (en dehors des chiens) ; points sur la pointe des lances

10 chapeaux ; pompons aux lacs d'amour

11 chiens ; yeux de chien

12 hommes

13 roses

14 noeuds de cuir ou de tissu pour attacher les vêtements, les armes...

15 bois de cerf ; boucles des cordons des lettres AE

16 nèfles (arbuste en bas à gauche)

17 mains visibles

18 armes visibles

19 ouvertures dans le château (sans la porte)

20 quadrupèdes

21 oranges

22 yeux visibles (pour les 12 personnages)  

 

22

 

— Chiffres et lettres (cosmogonie) que Dieu a donnés à Adam (anthropogonie)

— Le nombre de lettres de l'alphabet hébreu. L'alphabet hébreu a 22 lettres qui sont à la fois nombres et mystères.

— Dans la Kabbale, le nombre de voies incluses dans l'Arbre de Vie : 22 chemins mènent aux 10 Sephiroth

— Le Tarot : 22 Arcanes Majeures

— Le nombre de la civilisation selon Platon ?

— Cicéron a écrit qu’Hermès Trismégiste a donné les lois et les chiffres aux Egyptiens

 

La tapisserie 2 et l'Arbre des Sephiroth

 

Proposition de schéma

 

Les trois colonnes verticales, piliers de la SAGESSE

 

1. A gauche, le pilier de la RIGUEUR, dominé par la LUNE,  part de BINAH et descend sur HOD.

2. Au centre, le pilier de l’EQUILIBRE représente la ligne de VOLONTE DIVINE appelé KAV dans la Kabbale. Ce pilier part de KETHER (le CREATEUR) passe par THIPHERETH, Sephirah qui représente le Messie et descend jusqu’à MALKUTH (le Royaume) qui représente l’INITIE potentiel au fond de chaque être humain.

3. A droite, le pilier de la MISERICORDE dominé par le SOLEIL, part de HOCHMAH et descend sur NETZAH.

— Conventionnellement, le pilier de la MISERICORDE placé sur le SOLEIL est mâle et le pilier de la RIGUEUR placé sous la LUNE est féminin.

— Le pilier de l’EQUILIBRE est androgyne. Il est placé sous le DELTA LUMINEUX de la COURONNE. C’est de ce pilier que partira l’ECLAIR  ZIGZAGANT qui représente la LUMIERE et qui passant d’un pilier à l’autre se charge de la PAROLE.

 

Les dix Sephiroth et les quatre mondes

 

monde d'ATZILUTH : archétype ou émanation

monde de BRIAH : création

monde de YEZIRAH : formation

monde d'ASSIAH : action

 

ou les six mondes

 

L’Arbre est divisé en 6 niveaux de hiérarchie divine :

- Le niveau 0 de l’AIN-SOPH plane au dessus de l’Arbre : il est hors Monde. Le niveau divin non manifesté (hors espace/temps).

- Le niveau 1 : Monde d’AZILUTH. Le niveau divin manifesté (l’univers).
Le niveau 1 est le sommet de l’Arbre. La Sephira KETHER (la Couronne) est un archétype divin qui génère la création de BINAH à gauche et de HOCHMAH à droite, constituant ainsi ce que la Kabbale dénomme la GRANDE TRIADE, symbole créateur. Le 1 est la valeur secrète du 3.

- Le niveau 2 est le monde manifesté de BERIAH, il va de l’infiniment petit à l’infiniment grand. Le monde de BERIAH est issu de l’énergie vitale contenant l’INFORMATION, c’est le monde de l’infiniment complexe. Le niveau de la vie (en général).

- Le niveau 3 est le monde de YETHZIRAH : de l’évolution dynamique de la matière et de la VIE.  Le niveau humain (l’Espèce).

- Le niveau 4 est le monde d’ASSIAH, monde de l’action et du moi profond. La parole n’a d’existence que si elle se transforme en ACTION. Le niveau du Moi profond et de l’Initié.

- Le niveau 5 est le monde infra-humain et satanique de KLIPOTH. Le niveau de l’infra humain et le niveau satanique.

 

« L’Eclair fulgurant ou éclair zigzagant » : Fiat lux

 

Il symbolise l'étincelle divine engendrant l'univers.